La faillite de la SVB, des turbulences en vue les startups Africaines?
Le vendredi 10 mars 2023, la SVB s’est effondrée, devenant la plus grande banque américaine à faire faillite depuis la crise financière de 2008.
Cette faillite n’est pas sans conséquences pour l’économie mondiale. Aussi bien sur le court terme que sur le long terme, elle aura des répercussions. Si les experts sont unanimes pour dire que cette faillite ne va pas impacter tout le secteur bancaire et encore moins l’ensemble de l’économie mondiale, on ne peut en dire autant pour les startups technologiques qui ont été frappées de plein fouet.
Dans cet article, nous allons nous concentrer sur les conséquences de cette faillite pour les startups africaines.
Une source d’inquiétudes pour les startups africaines.
Les conséquences de la faillite de la Silicon Valley Bank risquent d’être un véritable caillou dans la chaussure des entreprises technologiques pour un bon moment. Le fait est que, pour ces entreprises, la Silicon Valley Bank était un véritable eldorado. Pour la petite histoire, la SVB a été créée avant tout pour servir les startups de la Silicon Valley, d’où son nom.
Ce n’est que plus tard que la banque élargira son champ d’action pour se mettre au service de toutes entreprises innovantes du monde. Les startups africaines, du moins celles qui le pouvaient ont saisi l’opportunité qui s’offrait à elles et ont fait affaire avec la SVB. Ce qui a eu pour conséquence de faire de la faillite de la banque américaine, une source d’inquiétudes pour les entreprises technologiques africaines.
Dans quelle mesure cette faillite touche les startups africaines ?
D’emblée, il faut dédramatiser, car la faillite ne met pas les startups africaines dans une situation critique. Selon Casablanca Finance City, le risque de contagion et l’impact sur les startups africaines est moindre. En plus, la FDIC est intervenue assez rapidement pour rassurer les déposants de la banque faillie.
Il semblerait donc que les startups africaines l’aient échappé belle. Quoi qu’il en soit, très peu ont été les entreprises africaines ayant fait affaire avec la SVB, ce qui a contribué à minimiser l’impact de la faillite en Afrique. Dans un tweet, Chika Uwazie, ancienne PDG de Talentbase ira même jusqu’à dire que « La chose la plus folle de cette débâcle SVB est que les startups africaines sont restées largement intactes car la SVB rend presque impossible l’ouverture d’un compte avec elle, pour les entrepreneurs africains. »
Toutefois, il faut reconnaître que certaines startups du continent ont été touchées même si leur ratio est très faible tout comme leur exposition à la SVB d’ailleurs. Chipper Cash, une des sept licornes d’Afrique déclarera qu’elle n’avait qu’un million de dollars auprès de la SVB au moment de la faillite. Un rapport en Egypte fera mention de 50 startups touchées.
Il n’y a cependant pas urgence sur le continent car « très peu d’entreprises africaines ont fait affaire avec la SVB et celles qui l’ont fait n’ont pas mis tout leur cash dans la SVB » comme le dira Benjamin Fernandes, fondateur de NALA, une fintech tanzanienne.
Dans cette même perspective, Zachariah George, associé directeur de Launch Africa Ventures, un fonds panafricain de capital-risque, a déclaré, à Semafor Africa que « seules environ 4 ou 5 de leurs plus de 100 entreprises avaient des comptes chez SVB » d’après cet article de Semafor. Quant aux fonds de capital-risque opérant sur le continent, certains n’ont pas nié être impactés par la faillite. Cependant ils ont vite fait de rassurer quant à leur survie. Selon cet article de Technext, Future Africa, l’un des plus grands fonds de capital-risque axés sur l’Afrique a déclaré que ses fonds exposés à la SVB étaient moindres et que cela n’impacterait pas ses activités.
Enfin, et une fois de plus, les startups africaines n’ayant pas été nombreuses à pouvoir ouvrir des comptes auprès de la SVB, elles n’auront pas de sérieux problèmes quant à la gestion de leur trésorerie ; l’un des services offerts par la Silicon Valley Bank.
Inutile donc de craindre des licenciements massifs, des retards de paiement de salaires ou encore des retards dans le règlement des fournisseurs dus à la faillite de « leur banquier ».
La Tech africaine est-elle autant épargnée sur le long terme qu’elle l’a été sur le court terme ?
Il est clair que non. A terme, et à l’instar de toutes les startups innovantes du monde entier, les startups africaines vont subir des conséquences dues à la faillite de la SVB.
Déjà, il faut noter que la SVB était une banque unique en son genre. Elle s’était donnée pour mission de financer l’innovation technologique, malgré le risque que cela comportait, et c’est d’ailleurs ce qui l’a menée à la faillite. La SVB finançait les startups quand les autres banques refusaient généralement de le faire car jugeant le risque que comportaient les projets, trop élevés.
Il risque donc d’y avoir dans les mois, voire les années à venir, une réduction de l’offre de financement disponible, si aucune banque ne prend la relève de la SVB assez rapidement.
L’offre de financement sera d’autant plus réduite si la confiance dans le secteur n’est pas vite rétablie. Avec cette faillite expresse, il est clair que la confiance des investisseurs dans le secteur est rompue. Aussi bien les investisseurs que les entreprises elles-mêmes seront moins enclins à prendre des risques ou même à se confier à des banques qui se spécialiseraient à nouveau dans la technologie.
Le fait est que c’est aussi et surtout cette spécialisation qui a précipité la chute de la SVB. Ces derniers temps, le secteur de la technologie n’était pas sous son meilleur jour et la banque, lorsque la situation a été critique, n’a pu faire face aux nombreuses demandes de retrait, faute de diversification. Consultez cet article de franceinfo pour en savoir plus.
Une chose entrainant l’autre, les startups africaines auront davantage de difficultés à trouver des investisseurs en capital-risque ou à lever des fonds. Rappelons qu’en 2022, les startups africaines ont pu lever 4,8 milliards de dollars de fonds selon Africa : the big deal ; ce qui est un record et qui risque de durer longtemps à cause de l’effondrement inattendu de la SVB. En fait, une quantité importante de capital-risque que les startups africaines lèvent provient d’investisseurs basés aux Etats-Unis qui exigent que ces startups domicilient leurs fonds sur des comptes bancaires américains. La SVB était la banque souvent recommandée pour ce faire, en raison de son histoire avec les startups et autres avantages que la banque offrait, selon cet article de Techcruch.
Les fonds de capital-risque qui eux-mêmes empruntaient auprès de la SVB auront plus de mal à trouver des fonds qui devraient servir à financer les startups. Le manque de fonds va alourdir les procédures et les exigences seront revues à la hausse, ce qui ne va que davantage ralentir une filière technologique qui venait à peine de prendre son envol en Afrique.
Comme le souligne Ngozi Dozie de la startup Carbon sur son blog, on pourrait résumer la situation en ces termes : « Sur le long terme, il y aura un ralentissement des investissements dû à la méfiance des investisseurs et fonds de capital-risque. Les listes des conditions seront plus longues et l’on observera davantage de retards de financement de suivis critiques ». Une autre chose pourrait cependant inquiéter les patrons des startups africaines. Il se trouve que les entreprises africaines déposaient leur argent dans les banques américaines afin de ne pas s’exposer au risque de dévaluation de la monnaie locale de leur pays d’origine. La SVB, étant la banque qui offrait le plus d’avantages notamment en matière de taux d’intérêts sur les dépôts par exemple ou encore les frais de virement qui étaient moins chers par rapport à ceux des autres banques, les startups africaines se tournaient beaucoup plus vers elle. Il faudra donc trouver une alternative là aussi car selon certains experts, les entreprises technologiques africaines ne sont pas prêtes à faire face à des taux plus élevés, déjà qu’elles peinaient à s’aligner sur les conditions de la SVB.
On notera aussi que d’autres startups africaines étant multinationales, elles ont besoin d’un dénominateur commun pour faciliter et coordonner leurs transactions. Le dollar s’offrait comme la solution idéale. Et les rapports américains incitaient les entreprises à ne pas faire confiance aux banques africaines parce qu’elles n'offraient pas de garanties solides à l’instar de celles offertes par la FDIC par exemple, ce qui en soi n’est pas faux. En notre connaissance, les options de rechange, si elles font déjà une timide apparition, ne sont pas encore légions en Afrique et le niveau de garantie n’est surement pas le même que celui offert par les banques américaines.
Quelles leçons tirer alors ?
Avec cette faillite, les startups africaines ont dû se rendre compte qu’il fallait revoir leurs options bancaires. Certains experts ont même profité de cette débâcle de la SVB pour rappeler que les startups africaines doivent consommer local.
Selon Ngozi Dozie, on devrait consommer local si on ne veut pas importer les problèmes des autres chez nous. Si ce rappel est pertinent c’est aussi parce que seulement 27% parmi les investisseurs impliqués dans le financement d’au moins une startup technologique africaine étaient originaires d’Afrique alors que l’Amérique du nord venait en tête avec ses 36% et l’Europe en troisième position avec ses 21%.
Cette étude a été menée par Africa : The big deal qui a pris en compte 1400 investisseurs impliqués dans le financement des entreprises de la tech en Afrique. On ne cessera donc de le marteler. Il nous faut davantage d’humilité pour nous faire confiance, mieux, pour faire confiance aux acteurs présents sur le continent. Bref, il faut songer à consommer local.