Aruka studios : de la résignation à la réaction pour la prospérité du cinéma d’animation en Afrique !

Il n’est pas fréquent de tomber sur un film d’animation d’origine africaine. Et même quand le film raconte une histoire purement africaine à l’instar de l’incontournable Kirikou, on se rend très vite compte que le film est une production étrangère. 

En effet, l’animation en Afrique, c’est très complexe, d’autant plus que cette industrie est plutôt embryonnaire sur le continent. Allons-nous donc laisser les autres raconter indéfiniment les histoires africaines à notre place ?

C’est la réponse à cette question qui a mené à la création de nombreux studios d’animation d’origine purement africaine. Si certains pays à l’instar de l’Afrique du sud et du Nigeria se sont positionnés comme des références en la matière, d’autres pays tentent de suivre la cadence, non pas sans peine. C’est dans ce sens que nous allons à la découverte de Aruka studios, un de ces studios qui défient vents et marrées pour faire prospérer le cinéma d’animation en Afrique.

Basé à Lomé dans la capitale Togolaise, Aruka studios, est une société dont le travail consiste à donner vie à votre imagination. C’est aussi l’histoire d’une vision née de la révolte.

Pour représenter l’ Afrique, en général, on nous montre la guerre et la famine à la télé. Mais est-ce que le quotidien de l’Africain n’est fait que de guerre et de famine ? se demandera le directeur et fondateur de Aruka studios. Aruka studios est donc né pour mieux raconter  l’histoire africaine, changer la perspective de sa narration. Nous avons une histoire, et nous devons la raconter nous-mêmes si nous ne voulons pas que les autres s’en emparent au risque de la déformer ou de n’en raconter qu’une version édulcorée.

Fondé en 2017 à Lomé, au Togo, le studio se spécialise dans la production de courts métrages d’animation, de publicités, de vidéos promotionnelles et d’autres types de contenus visuels en 2D et 3D. Mais avant d’être un studio qui produit du “dessin animé” comme on dit souvent, ça a été l’idée d’un homme, mieux, d’un artiste, qui porte le nom de Boris Kpadénou.

Agé de 41 ans, Boris Kpadénou est un entrepreneur Togolais qui s’avère être un artiste dans l’âme. Il a un appétit que seule la perfection peut satisfaire, nous a-t-il confié. Et sa principale mission d’artiste, c’est de réécrire l’histoire africaine à travers le cinéma d’animation. Boris est né au Togo où il a d’ailleurs obtenu son baccalauréat. Il s’inscrira ensuite à l’université où il étudiera les sciences du langage et de la communication dans un premier temps puis la sociologie dans un second temps avant de se lancer à nouveau dans la communication. Mais cette fois-ci ce sera celle des entreprises.

En 2008, Boris s’envolera vers le Burkina Faso à la faveur d’une bourse d’études, afin d’y étudier les arts visuels à l’institut Imagine de Gaston Kabore, mais la crise financière de l’époque aura raison de ce projet. Boris Kpadénou reviendra donc au Togo après seulement trois mois de formation au lieu de trois ans. C’est frustrant mais ce n’est pas ce qui va éloigner Boris de ses rêves. Cette formation comme le dira Boris lui-même a été un tremplin, dans la mesure où elle lui a offert un nouveau support pour raconter l’histoire de son continent telle qu’il la vit.

Même si sa formation en 2008 a été expresse, Boris en gardera le nécessaire qui lui permettra de se lancer dans le cinéma d’animation. Il était désormais prêt pour inverser la tendance : réécrire les codes du cinéma d’animation au Togo et en Afrique. Mais la patience est un chemin d’or comme on dit, au Togo. Il ne l’a pas voulu, mais Boris a dû attendre. Et l’attente a été longue.

Mais comme tout entrepreneur motivé, et comme tout artiste qui a un message à véhiculer, ni sa patience ni sa passion n’ont désarmé. Pendant neuf années, Boris a travaillé sans relâche afin de donner vie à ses rêves. Il a fallu trouver une équipe, trouver le financement nécessaire sans lequel il ne pouvait se procurer du matériel dont il avait besoin. Cela était aussi dû au fait que les gens avaient du mal à croire en ce projet. Pour la plupart des Togolais, ce n’était clairement pas à travers l’animation que l’on pouvait gagner sa vie. Aussi la famille de Boris n’était-elle pas d’accord pour que ce dernier fasse des illustrations. En fait, elle y a toujours été opposée depuis, qu’à l’âge de 15 ans, Boris faisait ses premiers pas dans l’illustration avec une bande dessinée sur les enfants de la rue pendant que lui-même vivait dans un foyer d’enfants de rue. L’animation était donc une passion de longue date chez monsieur Kpadénou.

Alors, à l’instar de la grande majorité des entrepreneurs africains, monsieur Boris a dû puiser dans  sa propre poche ; le bon vieil autofinancement. C’était un véritable ouf de soulagement quand Aruka studio a été lancé en 2017. La sentinelle pouvait donc dire que la nuit est longue mais que le jour vient. Cela dit, ce n’était que le commencement. Ce dont Boris et son équipe étaient parfaitement conscients. « Nous avons commencé avec une équipe de trois personnes qui n’avaient que deux ordinateurs tout au plus pour travailler », voilà ce que nous a dit Boris quand nous l’avons questionné sur les débuts officiels d’Aruka studios. Même si la situation n’était pas des meilleures, Boris pouvait d’ores et déjà raconter des histoires de l’Afrique comme il les voit et comme il les vit, ou mieux, comme on les voit et comme on les vit en Afrique.

Ce rêve à lui si cher, désormais devenu réalité !

En 2023, Aruka studio est déjà incontournable dans l’univers de l’animation au Togo et même au-delà. Ils ont créé en seulement 6 ans d’existence et avec une équipe plutôt restreinte, plus de 300 contenus dont la moitié se trouve sur leur chaîne et touche des millions de personnes à travers le monde. Mais pour en arriver là, le studio a dû être stratège et surtout patient.

En fait, il y avait un manque de main d’œuvre qualifiée dû au manque d’écoles de formation sur le continent. « La réalité est que vous ne disposez pas de la main d’œuvre que vous recherchez sur place. Il faut donc recruter des jeunes ambitieux et les former ensuite. Un processus de formation, pouvant durer entre 6 mois et un an, il nous fallait recruter et former si nous voulions élargir nos effectifs. » nous a révélé monsieur Boris, pas du tout enchanté de cette situation.

Aujourd’hui, Aruka studios a pour objectif de conquérir l’Afrique et le monde. Et pour ce faire, la société compte élargir davantage ses équipes afin de proposer des œuvres encore plus alléchantes, des animations encore plus fantastiques.

Pour atteindre ses objectifs, Aruka studios aimerait avoir plus de moyens. Bien-sûr les moyens financiers comptent pour beaucoup ; mais ce que Boris déplore plus, c’est le manque de volonté car, la volonté est le premier investissement, comme lui-même le dit.

Aussi, le studio aimerait-il créer une école sous-régionale qui aura pour vocation, la formation des jeunes désireux de se faire une réputation dans le monde de l’animation. En résumé, on peut dire que Aruka studios, c’est une société de production de films d’animation. Mais en plus de la production des contenus visuels Aruka studios s’efforce de représenter la culture africaine et de donner une voix à la créativité africaine dans l’industrie de l’animation mondiale.

Enfin, comme il est établi que la clé d’un avenir meilleur et prospère réside dans l’éducation et la formation des jeunes, le studio offre également des formations et des ateliers pour les jeunes artistes. Aruka studios : c’est du made in Africa, by Africa, for Africa and the whole world.